Il y a une dizaine d’années, Jacques et Mireille Vernier ont laissé leur maison de La Batie d’Andaure, sur le haut plateau ardéchois, pour venir s’installer dans un appartement près d’Annonay. Ce fut un gros changement de vie. Mireille retrouvait alors un filon artistique hérité de son père, André Barral, un célèbre sculpteur corrézien, et s’est mise à peindre des aquarelles sensibles, délicates. Jacques quant à lui, s’est plongé dans l’écriture.
Une passion pour Jean Norton Cru
Il a commencé par un travail sur l’histoire de sa propre famille dans laquelle on retrouve les figures des missionnaires de Tahiti. Récemment, Mireille et Jacques ont rendu visite à leur fille qui était psychologue à Tahaa, une des îles Sous-le-Vent. Ils ont pu vérifier, en se rendant le dimanche au culte, combien le nom de « Vernier » était encore chaleureusement vivant dans la mémoire de l’Église Mäohi. Avec ce premier travail, Jacques s’est découvert une passion pour la recherche historique. Le goût pour l’histoire ne lui était certes pas étranger mais encore fallait-il qu’un événement viennne stimuler l’historien qui dormait en lui. C’est le bouillonnement autour du centenaire de la Première Guerre mondiale qui fut le déclencheur. En effet, voilà que dans le village de La Batie d’Andaure, Jacques retrouve les traces d’un poilu, Jean Norton Cru, qui était complètement oublié mais qui pourtant avait laissé, avec ses lettres et ses écrits, des témoignages extrêmement riches sur ce qu’il avait vécu pendant la guerre. Jacques s’est passionné pour ce poilu. Il lui a consacré quatre ou cinq ans de sa vie dans des travaux de recherche et d’écriture. Le professeur Joutard s’est intéressé à son travail et lui a préfacé l’ouvrage. Il est intervenu de nombreuses fois pour parler de Norton Cru et le maire de La Batie d’Andaurre a baptisé une des salles de la mairie du nom de Jean Norton Cru.
Un pasteur heureux mais exigeant
Après cette période passionnante sur l’histoire et la vie du Poilu de La Batie, Jacques Vernier s’est consacré à un travail plus théologique sur la prédication. Théologiquement, Jacques n’a pas toujours été très heureux des évolutions que son Église a pu connaître. Il le dit lui-même : « J’ai été un pasteur heureux mais cela n’a pas été toujours facile. Mes options théologiques n’étaient pas toujours à la mode ». Il a en effet préféré la paroisse à l’Église autrement ; il a regretté la théologie de « l’enfouissement » ou de « l’implicite » des années 70. Pour lui, la centralité de l’Église se manifeste dans la paroisse nourrie par la parole de Dieu. C’est ce qu’il a voulu dire dans son texte sur la prédication. Il la trouve trop souvent faible et en défaut d’enracinement biblique et évangélique. Il propose alors un chemin pour préparer une prédication. « C’est un ouvrage qui a été acheté par les prédicateurs laïcs alors que je pensais que cela pouvait intéresser les jeunes pasteurs », constate-t-il avec un brin de frustration.
Des années déterminantes au Collège Cévenol
Avec son dernier ouvrage publié aux Éditions Dolmazon, Jacques revient vers un travail à caractère historique. Il nous livre en effet le souvenir de ses années au Collège Cévenol. Il fait partie de ceux qui n’ont pas supporté la façon dont l’histoire du Collège s’est si mal terminée, sur fond d’assassinat et de liquidation pour faillite. Pour lui, il y a mieux à dire et à retenir du Collège Cévenol. Ce fut une aventure extraordinaire qui relevait de l’utopie heureuse. Jacques a voulu dire et raconter à travers cet ouvrage tout ce qu’il en a lui-même retiré, pour sa vie, pour son ministère, pour sa compréhension du monde et des choses. On y retrouve les figures des professeurs pionniers : Maber, Johnson, Samson, Parker, etc. Jacques évoque également deux cours, qui, pour lui, restent des moments extrêmement fondateurs : le cours de Jean Boisset sur le Mémorial de Pascal et celui d’Andrée Samson sur la Peste de Camus.
« Écrire, c’est laisser quelque chose »
Dans son ministère pastoral, à La Rochelle, Tence, Angoulême, Annonay, Lyon, Jacques Vernier a, comme tout pasteur qui prêche et qui enseigne, usé de la parole. Il n’est plus en situation de prêcher ou d’enseigner, alors il écrit. Pour lui, « Les paroles s’envolent, écrire c’est laisser quelque chose ». La dimension du « transmettre » est en effet importante : transmettre aux siens, transmettre à tous ceux qu’on a connus, et puis « On ne sait pas où ça va. Il y a une part d’inconnu et c’est cela qui est intéressant ».
Pour Jacques Vernier, écrire est véritablement devenu une passion. Pour notre grand bénéfice, il a encore beaucoup à livrer et des heures nombreuses à passer devant son écran, même si, confie-t-il à voix basse, « Mireille parfois rouspète et trouve que je passe trop de temps devant mon ordinateur ! ».
A.R
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