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JEAN ALEXANDRE, Théologien, poète, un passeur de mots et de récits puisés dans l’histoire biblique

Après une vingtaine d’années passées dans le Poitou, Jean Alexandre est venu, avec Hélène, son épouse, « poser ses valises » à Prades-le-Lez, près de Montpellier. C’est une région qu’il connaît bien depuis l’époque du 665 et de Radio Clapas. Ce furent des ministères qui ont marqué sa vie et qui, dans le fond, résument bien le sens de son parcours. Jean est un passeur de mots et de récits bibliques. Sa passion, c’est de faire sortir la bible des lieux de culte et de la mettre au service de tous, de lui rendre sa dimension d’un livre pour tous, d’un livre non religieux. Pour Jean, la bible est un livre où chacun peut puiser des clés pour comprendre les ressorts de sa propre existence. Il sait la faire vivre. La radio à Montpellier était un de ces lieux où il pouvait magnifiquement exercer ce type d’animation : « La radio, elle était protestante sans être ecclésiale. Je faisais de la culture protestante pour des gens de toutes sortes dans une radio justement non confessionnelle. Et là il n’y a jamais de fin. C’est une richesse incroyable. J’ai fait ça pendant huit ans et c’est un grand moment de ma vie ! »

« Je ne suis pas de la famille… »

Ce rapport à la bible, il le tient sans aucun doute de son histoire. Il aime dire qu’il n’est pas fils de pasteur qui aurait été lui-même un fils de pasteur : « Si je suis protestant, c’est parce que ma grand-mère a été tirée des ennuis par le pasteur du Bon Secours, au XIX° siècle ». Son histoire, c’est celle de l’Est parisien. Il est issu d’une tradition familiale où l’on a baigné dans les luttes. Il compte dans la famille un ancêtre fusillé par les Versaillais et des parents fortement engagés dans la résistance. Il est le produit de cette histoire populaire où l’on entrait naturellement au parti communiste : « Mes oncles étaient communistes. C’était des grands frères pour moi. J’ai été élevé par mes grands-parents qui étaient communistes ».  Ainsi, lorsqu’il arrive à la Faculté de théologie de Strasbourg, on le repère rapidement : « Sur ma chambre, il y avait une étoile rouge collée sur ma porte ! ». C’est une histoire qui, sans aucun doute, marque sa théologie et son rapport à la bible. 

« On voulait amener la crise dans la machine… »

Au moment de l’Algérie, Jean se souvient amèrement d’un temps où l’Église a abandonné ses jeunes : « Personne ne réalisait qu’on nous avait laissé partir dans cette putain de guerre d’Algérie sans se rendre compte que pour nous ça consistait à jouer le rôle de l’armée allemande et de l’occupation avec toutes ses atrocités. À aucun moment, on n’a été soutenus, conseillés ». Il redoute alors d’être appelé pour une guerre qui n’est pas la sienne. Il est finalement envoyé à Madagascar et servira dans l’aumônerie militaire. À son retour, il est nommé comme proposant à St-Paul, une grande paroisse de Strasbourg. C’est un choc. Il doit faire face, lui le populaire, à la représentation la plus bourgeoise et la plus traditionnelle de l’Église. L’expérience sera pourtant déterminante. Avec trois anciens camarades de la Faculté de théologie qui étaient également dans des paroisses pour accomplir leur proposanat, Jean-Paul Faure, Arnaud Berthoud et Pierre Demeret, il en vient à l’évidence qu’il était impossible de s’engager dans le ministère pastoral tel qu’il était proposé : « Je me suis dit alors que je ne voulais pas me retrouver dans ce camp, dans ce moule de la figure pastorale. Je ne pouvais pas. Je ne pourrais pas. Alors que faire ? Foutre le camp ? Finalement à quatre, en discutant, on s’est dit qu’on voulait essayer d’apporter cette crise profonde, spirituelle, au cœur de la machine, dans une paroisse ». Ils sont alors nommés à Corbeil-Essonne, mais c’est une nomination qui se fait sur la base d’un malentendu. Les instances de l’Église s’étaient réjouies d’accueillir un projet missionnaire innovant, alors que le projet des quatre, c’était de faire éclater le système de l’intérieur. Ils voulaient démontrer la totale contradiction du système en apportant la crise à l’intérieur même de la paroisse et en la poussant jusqu‘à son paroxisme. Ainsi le système exploserait et la démonstration serait faite qu’il fallait en changer. « On a ciblé le cœur des choses, on voulait faire exploser le fonctionnement paroissial, renverser la figure du pasteur. On est allés très loin dans le dynamitage ». Finalement, cela s’est mal terminé. « Au bout de quatre ans, on a tous été virés ! ».

Avec la traduction de la bible, sept années délicieuses !

C’est une expérience qui a laissé des traces. Les trois collègues de Jean ont tous quitté le ministère pastoral. Les épouses n’ont pratiquement plus remis les pieds dans l’Église. C’est la bible qui va sauver Jean. Louis Simon, qui était président de région, lui propose un poste d’animateur biblique et l’oriente vers l’équipe des traducteurs de la bible : « Il manquait un protestant hébraÏsant. Moi j’étais un étudiant en théologie qui aimait bien l’hébreu. Je me suis retrouvé là et j’ai passé sept ans délicieux. Je me suis retrouvé avec des gens de qui j’ai tout appris sur le texte, sur la matérialité du texte, sur la chair du texte et surtout sur le côté scientifique avec André Caquot, professeur au Collège de France, avec Antoine Guillaumont professeur aux Hautes Études, avec Maillot, Lelièvre, et bien d’autres, bénédictins, jésuites, des poètes, des musiciens, etc. »

Retrouver des racines et la passion de la bible

Pour finir son ministère actif et après quelques années passées au Defap, Jean rejoint les luthériens de Paris. C’était un brin surprenant. Il retrouvait pourtant une histoire, des racines, et puis il renouait avec sa passion de lire la bible avec des gens venus de l’en dehors des murs : « Il y avait des jeunes ménages, moitié catholiques, moitié juifs, moitié ceci ou cela. On a fait une espèce de petite famille avec lesquels on travaillait sur un plan biblique. Et c’était bien ! »

A.R

About the author

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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