L’Eglise réformée de France, sur le fil d’une « unité plurielle »
Par Malo Tresca, le 29/4/2021 à 06h00
L’Église réformée de France (1938-2013). Une présence au monde, Anne Dollfus et Pierre-Yves Kirschleger, Classiques Garnier, 448 p., 32 €
Apprentissage du régime synodal, lien avec les autres Églises, ancrage dans les débats contemporains… Cet ouvrage fouillé offre une plongée inédite dans l’histoire de l’Église réformée de France (ERF), depuis sa création en 1938 jusqu’à l’union, en 2013, entre réformés et luthériens.
La tâche était ardue, devant l’immense diversité et l’ampleur des divisions qui agitaient le paysage ecclésial protestant français à l’aube du XXe siècle. Dans leur livre, la théologienne Anne Dollfus et l’historien Pierre-Yves Kirschleger décryptent, dans le détail, les différentes étapes de la construction de l’Église réformée de France (ERF), de sa création juste avant la Seconde Guerre mondiale à sa fusion, en 2013, avec l’Église évangélique luthérienne de France (EELF), pour former la nouvelle Église protestante unie de France (EPUdF).
Comment cette Église, héritière des nombreux courants confessionnels apparus au XVIe siècle dans le sillage du réformateur Jean Calvin, est-elle parvenue à s’affirmer, jusqu’à s’imposer très rapidement comme une instance majoritaire du protestantisme français ? Malgré d’âpres oppositions initiales entre les camps évangéliques et libéraux, cette impulsion – née au début des années 1930 dans la Drôme autour de pasteurs avant-gardistes, activement engagés pour un rapprochement – trouve un terrain d’entente autour d’un texte, la Déclaration de foi de 1938, considérée comme « un point d’équilibre entre les deux courants ».
« Après un siècle d’affrontements dogmatiques et ecclésiastiques, la fondation de “l’Église réformée de France” en 1938 représente un exploit de parvenir à rassembler en une seule institution l’immense majorité des paroisses protestantes (448 dès l’année suivante, NDLR) du pays. Mais elle marque aussi un réel changement de paradigme : l’abandon de l’antique pluriel des Églises réformées, pour le singulier de l’unité », retracent les auteurs. Toutefois, une minorité de temples évangéliques et d’unions préfèrent alors conserver leur indépendance.
L’ouvrage distingue ensuite plusieurs périodes charnières dans la construction, et les positionnements identitaires, de l’ERF. D’abord, celle de la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle la jeune structure est éprouvée par les déplacements de population des croyants – notamment alsaciens. Un certain nombre de ses responsables s’illustrent alors par leurs appels pionniers à « la résistance spirituelle » face au nazisme, et par leur « hostilité à l’antisémitisme ».
De la Libération aux années 1960 vient le temps de la reconstruction. L’Église, qui doit remédier à son déclin démographique et repenser la gestion de ses forces pastorales, apprend la « synodalité ». Les deux décennies suivantes – les « vingt glorieuses » de l’ERF – sont marquées par « une série de remises en question et de crises internes», touchant la théologie, le ministère pastoral, les mouvements de jeunesse, dans une société « en pleine évolution culturelle ». Étape notable, en 1965, les femmes accèdent sans conditions particulières au ministère.
Pour les spécialistes, la période qui s’ouvre à partir de 1980 est encore celle d’une « crise de l’avenir », alors que l’ERF est en proie à un « malaise identitaire » après quarante ans d’existence. Tout en affirmant sa parole sur de brûlants sujets et débats d’actualités – en 1999, l’épuration ethnique au Kosovo, la situation des demandeurs d’asile en France… –, la structure doit revoir, en interne, les grands principes qui animent son organisation
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