Jérôme Cottin
LES PASTEURS
Origines, intimité, perspectives
Labor et Fides, 2020, 290 p. Dessins de Tiki (Werner Küstenmacher), 16 €
Que signifie le dessin humoristique qui illustre la couverture ? On y voit un pasteur en train de construire une église (Église ?). Mais il est tiré en arrière par trois personnes qui lui montrent une autre direction. Deux lectures sont possibles : soit ces trois personnes indiquent un lieu meilleur où il pourrait trouver de l’aide ; soit il doit changer de direction parce que son église est vide. Cette double interprétation symbolise-t-elle les difficultés que connaissent les pasteurs dans leur ministère, difficultés que Jérôme Cottin, professeur de théologie pratique à l’Université de Strasbourg, a voulu cerner en lançant cette grande enquête ? Une enquête qui cherche à circonscrire la réalité pastorale dans sa triple dimension, vie privée, vie professionnelle, vie ministérielle.
Ce n’est pas un livre sur les pasteurs, mais avec leurs paroles, à travers leurs témoignages (d’hier et d’aujourd’hui), des interviews, des questionnaires. Il s’agit essentiellement de pasteurs francophones, même s’il y a de nombreuses références au monde germanique, (comme en témoigne la large bibliographie tant en français qu’en allemand), et d’Églises de tradition luthéro-réformée. L’A. tient compte évidemment des situations différentes selon que le protestantisme est très minoritaire (France, Belgique, Italie) ou relevant d’Églises plus établies. Mais quel qu’il soit, le protestantisme existe dans une société environnante qui a profondément changé en trois décennies : le numérique, la mondialisation, le défi climatique, la montée de l’Islam, les inégalités sociales, le vieillissement de la population … Les Églises historiques se vident, les communautés pentecôtistes se multiplient. Comment le pasteur qui autrefois était porté par le prestige de sa profession, qui représentait une autorité, vit-il ce grand chambardement ?
Bonne nouvelle ! « Il résiste relativement bien » nous dit J. Cottin, parce qu’il est porté par sa vocation (le pastorat est à la fois une vocation et un métier – Jean-Paul Willaime) et par son sens de l’humain : « Le pasteur d’aujourd’hui est d’abord là pour accompagner l’humain ; la spiritualité puis la foi viennent de surcroît ». Mais le pasteur n’est pas un travailleur social comme un autre. Dans son accompagnement, il apporte un élément spécifique, un message spirituel fondé sur la Bible.
Pour J. Cottin, la féminisation du corps pastoral est « un des changements les plus spectaculaires et les plus positifs de ces dernières années. Pendant des siècles, le ministère pastoral a été lié à la masculinité, à laquelle s’ajoutait son complément féminin bénévole et dévoué, sa femme. Et les pasteurs cherchaient à se conformer à de grandes figures comme des modèles. Sauf pour les premières femmes pasteurs qui ont cherché à gommer leur féminité, celles d’aujourd’hui sont plus libres, elles ont souvent une relation plus proche de leurs paroissiens, pour comprendre leurs soucis quotidiens. Mais elles admettent toutes qu’elles connaissent ou ont connu des réflexes machistes de la part de leurs collègues ou de leurs paroissiens.
À partir de sa triple approche historique, théologique et pratique, J. Cottin estime que, de par la dimension individuelle et collective de son ministère, le pasteur doit davantage s’appuyer sur la communauté que représente sa paroisse et s’efforcer de valoriser la diversité des dons. Il donne d’ailleurs des pistes dans ce sens.
Un compte rendu de Gabrielle Cadier-Rey, pour LibreSens
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