De l’humanisme au transhumanisme
Au 15eme siècle est apparu en Italie puis en France un mouvement intellectuel et littéraire appelé humanisme. Au cours des siècles qui ont suivi jusqu’à aujourd’hui, ce mouvement s’est considérablement enrichi avec les évolutions de la société. Tout au début il s’opposa au contrôle exercé par l’Eglise dans le domaine intellectuel et culturel. Il aida la philosophie à s’affranchir de la tutelle de la théologie en développant l’esprit critique. Puis, avec Erasme, Rabelais, Montaigne et d’autres, il défend la valeur et la dignité de l’homme plaçant ce dernier au centre de l’univers afin qu’il puisse développer librement ses facultés par l’éducation et accéder à une sagesse purement humaine. La Réforme protestante prônant le retour pour tous aux textes bibliques et à la libre conscience participera fortement à cet humanisme.
La philosophie des lumières malgré quelques hésitations, se rangera du côté de cet idéal humaniste en s’insurgeant contre toute sorte d’asservissement qu’il soit religieux, politique ou économique. Des penseurs comme Marx, Freud ou encore Sartre continueront ce combat, chacun dans leur domaine, contre tout assujettissement.
Aujourd’hui, l’humanisme est porteur de valeurs universelles. Les droits de l’homme formulés en 1948 sont son principal outil. Il cherche à améliorer ses droits et à les faire valoir dans tous les pays en insistant sur la non discrimination, la solidarité, la non violence, l’épanouissement de l’être. L’humanisme touche aussi bien la vie en collectivité que le développement de la personne.
Le transhumanisme
Depuis une vingtaine d’année est apparu dans les pays anglo-saxons et plus particulièrement aux USA le transhumanisme appelé parfois post humanisme. Il se dit faire suite à l’humanisme actuel et semble vouloir en poursuivre les mêmes buts à savoir améliorer la condition de l’homme. Pour cela il se propose d’exploiter au maximum et dans tous les domaines les dernières découvertes des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales de l’homme. Le transhumanisme vise à empêcher le vieillissement tout en maintenant le jeunisme. Il cherche à prolonger la vie en transformant le corps et l’esprit de l’être. Il s’agit d’une augmentation de l’être.
Cette augmentation de l’être peut se faire de l’extérieur comme de l’intérieur.
Du point de vue extérieur cette augmentation consistera à fournir à l’humain des outils allant jusqu’au remplacement d’un organe manquant. La jambe de bois existe depuis longtemps. Disons que la bionique est plus perfectionnée et plus efficace. La greffe d’un cœur artificiel parait très spectaculaire mais est-elle de par sa fonction bien différente de celle d’un membre ? Ces prothèses remplaçant un organe défaillant semblent rendre à l’individu une
partie de l’humanité perdue. Elles restituent à l’humain une partie manquante lui permettant de retrouver la plénitude de son humanité. Ainsi, on ne saurait trop être critique vis-à-vis de ces possibilités dues aux progrés. Tout au plus, on peut être réservé sur les coûts. Seuls quelques personnes aisées pourront en profiter. Par ailleurs est-il-bien raisonnable de greffer un cœur à une personne dont l’espérance de vie reste réduite de par son âge ? C’est une question d’économie et de prise en charge par la collectivité. Elle doit être sérieusement prise en considération pour éviter les inégalités devant la maladie.
Parmi ces interventions extérieures mentionnons les robots. Ils sont clairement appelés à remplacer l’humain. Ils peuvent servir d’hôtesse d’accueil et donner des renseignements rigoureux. Ils sont plus précis que les mains du chirurgien en micro chirurgie. Ils peuvent tenir lieu de dame de compagnie pour personnes âgées. Ils sont interactifs, serviables. Jamais de mauvaise humeur, toujours disponibles. Ils contrôlent parfaitement leurs émotions tout en percevant celles de leurs interlocuteurs et en agissant de manière adéquate. Imagiez un robot qui perçoit votre déprime. Il s’approche de vous, pose sa main sur votre épaule en disant « allez, c’est un mauvais moment à passer. Ca ira mieux demain ! ». Si vous tombez il vient vous relever.
On peut aussi imaginer le robot fabriqué selon vos désirs et à votre convenance. Il devient le partenaire idéal (e). Il est votre réplique, l’identique. Vous lui mettez un utérus artificiel (ou un pénis) et le tour est joué. Le robot vous fait jouir avec le partenaire idéal, celui que vous n’avez jamais pu rencontrer jusqu’ici. Ne riez pas ! Ne pleurez pas ! Il faut savoir que tout cela est possible aujourd’hui. Il faut oser le voir et le dire. Se taire ou le nier c’est déjà se soumettre à cet » homme ou cette femme machine » qui sera proposé à tous avec insistance. L’aliénation sera alors telle qu’il ne viendra à l’idée de personne de s’y opposer.
Du point de vue intérieur, il y a « l’augmentation » de la personne en intervenant directement sur le corps mortel, corps voué à disparaitre au profit d’un « corps autre », de nature différente, garant de l’immortalité. Ces interventions peuvent être diverses.
Notons d’abord celles visant à cacher le vieillissement comme les crèmes antirides ou à modifier l’aspect apparent du corps. Cacher le vieillissement est devenu chose banale. Il y a peu de risques sinon celui de rendre le corps illisible. Il ne dit plus son âge. Il ne porte plus son histoire. Il y a un décalage entre la réalité et l’apparence.
Viennent ensuite les traitements sensés modifier les tissus par prise de pilules ou d’injections afin de prolonger la vie. La chirurgie, esthétique ou pas, modifie définitivement et par petites touches les parties du corps et leur fonctionnement naturel. Sans être invasive. N’oublions pas la cryogénisation des morts dans l’attente que soit trouvée la solution à l’immortalité.
-Enfin il y a la création d’un « transhumain » par intervention sur les gènes ou par le clonage qui fait l’économie de la démarche naturelle. Toutes ces interventions sont sensées permettre à la nouvelle créature de s’adapter aux changements à venir tel le réchauffement
climatique ou encore la disparition d’espèces jusque là indispensables à la vie ou aux voyages interstellaires.
Pour un transhumanisme acceptable
Le transhumanisme déchaine les passions parmi ceux qui l’approuvent comme parmi ceux qui le rejettent. En considérant chaque chose l’une après l’autre il ne semble pas impossible de trouver les solutions permettant chaque fois de rejeter ce qui fait mal pour garder ce qui apporte plus d’humanité. Trois conditions sont alors à prendre en compte :
– En premier lieu la finitude de l’homme. Celui-ci ne peut que s’accepter comme mortel au risque de mettre en péril toute la création par une lutte acharnée visant à obtenir l’immortalité. La résurrection telle qu’elle est présentée dans la bible encourage et facilite l’entrée dans la finitude. Comme le grain de blé, il faut mourir avant de donner une nouvelle plante.
-Vient ensuite la constatation selon laquelle l’homme à la possibilité de détruire la planète toute entière. Il est « presque fait comme un Dieu » (psaume 82). Il possède suffisamment de puissance pour anéantir la création. Il peut aussi éliminer l’homme de chair et de sang en créant un homme machine qui sera son double. Quelle place alors pour l’homme naturel ?
-Enfin l’humain ne doit pas perdre de vue qu’il fait partie d’un Tout et qu’il est en permanence en inter-relation avec les éléments de ce Tout. Sa vie dépend de la qualité des relations établies avec l’ensemble de ces éléments. Un transhumanisme qui aurait pour origine l’égoïsme de l’homme et qui replierait ce dernier sur lui-même ne peut qu’être dangereux et destructeur. Un transhumanisme visant à rendre à l’homme la part de son humanité perdue ou à améliorer son confort ne peut qu’être encouragé. Dans ce cas, le mot humanisme est-il approprié ?
Serge Soulié
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