H & A : Comment s’est opéré le choix des différentes figures ? As-tu fait des arbitrages ? S.A : C’est moi qui ai fait ce choix qui s’est imposé presque naturellement sans qu’il y ait de gros arbitrages à faire : en fait je n’ai pas tant cherché à écrire une «histoire» qui aurait été bien incomplète (et surtout qui aurait manqué de contexte) qu’à construire une «phénoménologie» de la conscience, depuis ce que je crois être la naissance d’un sujet qui sort de la communauté en s’opposant (Luther face à la Diète de Worms) jusqu’à l’éveil de la conscience des autres par la pression et la crise (Martin Luther King) en passant par le tiraillement de la conscience dans des choix difficiles (Calvin vs Castellion), la manipulation et la radicalisation (Ravaillac vs Henri IV), la naissance de la tolérance comme droit de la conscience errante (Bayle) l’importance de la légalisation qui donne des droits (1789), etc. Autrement dit, il s’agissait pour moi d’éviter de discourir doctement sur la liberté de conscience, de donner des leçons de morale ou même un cours d’histoire du protestantisme. Ce que je cherchais avant tout c’était de donner à vivre et à ressentir de l’intérieur ce que vit la conscience face aux événements heureux ou malheureux : bref, la conscience dans tous ses états. Le spectacle vivant donne une extraordinaire occasion de partager des émotions : d’où l’idée de personnifier la conscience par une danseuse que l’on suit dans ce qu’elle expérimente tout au long de son aventure de sa naissance à sa résurrection… D’où également les blagues de comptoir qui cherchent à faire sourire pour bien montrer que je ne me posais pas en donneur de leçon : l’humour me semblant être le meilleur vaccin contre le risque de se prendre trop au sérieux… H & A : Plus qu’un spectacle, c’est une véritable aventure humaine qui a été vécue autour de cet événement. Envisages-tu des suites ? S.A : Pendant toute cette aventure formidable nous avons vécu quelque chose que je crois être une église véritable : une manière non religieuse d’annoncer l’Evangile et de partager une vie communautaire de partage et de communion fraternelle par delà tous les clivages (entre générations, entre évangéliques et réformés, entre croyants et agnostiques, entre scoutisme et église)… Bref, un grand bonheur qui se reçoit comme une Grâce. Pour paraphraser Mark Twain, nous ne savions pas que c’était impossible alors nous l’avons fait ! Pour donner une idée, je voudrais juste partager quelques mots que j’ai reçus après coup par un membre engagé de notre église. Ils retranscrivent fort bien ce que beaucoup ont ressenti : « Les mots sont trop faibles pour exprimer ma reconnaissance pour cette formidable expérience que j’ai vécue grâce à toi. J’ai rencontré des gens formidables, j’ai vécu des moments d’une folle intensité. Une expérience humaine sans pareille ainsi qu’une expérience spirituelle profonde. Grâce à ce spectacle j’ai pu témoigner de ma foi autour de moi. Je vais en profiter pour capitaliser, reparler de tout ça et approfondir. Je me dis que quelque part nous avons touché un bout de Paradis. Du moins quelques étoiles…» Le bénéfice est immense, et nous n’avons pas fini d’en tirer tout le jus : en terme de transmission de convictions fortes autant que sereines et apaisées, en terme de lien entre les générations, entre les églises, en terme de témoignage et d’évangélisation. Quelle forme cela prendra ? D’abord j’ai édité un livre chez Olivétan qui permet de continuer la réflexion (De Luther à Luther King, Une histoire protestante de la liberté de conscience). J’ai demandé à un ami musulman de commenter ce livre de ses réflexions à partir de sa culture et de sa foi musulmane. Je lui ai proposé également d’écrire le pendant en rédigeant «Une histoire musulmane de la liberté de conscience» que je co-écris avec lui. Et puis pendant un an, j’ai préparé avec une équipe de catéchètes et pasteurs un programme de catéchèse complet pour toutes les générations qui reprend toutes les étapes du spectacle et du livre. Ce programme KT sera disponible pour toutes les paroisses dès l’année prochaine… Enfin, des voix se lèvent pour demander de «pérenniser» ce Son et Lumière pour le donner tous les ans au Musée du Désert… On en étudie la faisabilité. Affaire à suivre donc !
Propos recueillis par Alain Rey
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