Je suis un vieux pasteur retraité provincial. J’ai fait mes études à une époque lointaine (les années 60) où les débats courtois mais fermes entre libéraux classiques, barthiens dogmatiques ou politiques, calvinistes orthodoxes et bultmanniens obligeaient à une réflexion théologique approfondie. Elles n’atteignaient pas très directement les églises locales, mais elles musclaient les prédications. Même si quelques synodaux vécurent des moments de tensions pénibles, ces débats eurent des effets positifs.
Il en a été de même au 19ème siècle et début du 20ème entre libéraux et évangéliques ou orthodoxes. Plus durs encore que dans les années d’après la seconde guerre, ces débats, disons même ces conflits, eurent des effets décourageants, mais aussi positifs, obligeant à la réflexion et au dialogue, bien au delà des cercles pastoraux. Olivier Abel a bien exprimé cette appréciation dans Les Protestants 500 ans après la Réforme (page 298).
Bien évidement il faut en dire autant des débats, disons même des combats, du 16ème siècle. Les effets en ont été à bien des égards catastrophiques (Luther considérait que les ruptures d’alors étaient un échec), mais elles aidèrent à la réflexion, l’étude, la recherche, le dialogue, certes très virulent, mais touchant un large public. Luther écrivait plus pour « ses chers allemands » que pour ceux que l’on appellerait aujourd’hui les théologiens professionnels.
Quels sont les débats aujourd’hui ? Ils portent sur des questions éthiques et par suite sur la façon dont on peut et doit lire l’Ecriture. Ils ne sont pas inutiles. Ils peuvent être vifs, mais vont-ils au fond des choses ? Irriguent-ils la prédication ? Poussent-ils les membres de l’Eglise à plus lire la Bible et les revues et livres théologiques ? J’en doute ; il doit être bien rare que des auditeurs rentent chez eux en se disant qu’il faut qu’ils approfondissent telle donnée biblique ou qu’il faudrait reprendre telle ou telle question fondamentale.
Les ouvrages et articles de nos enseignants en théologie sont à la fois solides et pointus, mais n’abordent guère les grandes questions qui pourraient et devraient passionner les membres de nos églises et ceux, non ou mal croyants, au milieu desquels ils vivent. Les prédications sont le plus souvent ternes et faisant plaisir à tout le monde sans interpeler. Elles sont d’autre part, quand elles ne sont pas remplacées par des actions d’animation, le défilé de lieux communs peu renouvelants pour les habitués et peu attirants pour les passants.
La célébration des 500 ans de la Réformation, malgré une nouvelle déclaration de foi de l’EPUdF, a été plus le fait d’une opération d’animation et de communication qu’une occasion d’exprimer un message fort à nos contemporains, le message à la fois subversif et encourageant qui est celui de l’Evangile. Je ne dis pas que cela ait été inutile, de même que je ne considère pas que l’engagement social des membres des églises protestantes et la convivialité des communautés paroissiales ou autres soient sans valeur ni intérêt. Je ne pense pas non plus que tout se joue sur une théologie intellectuelle. Je crois pourtant qu’un renouveau théologique est indispensable, impliquant largement les croyants… et les personnes en recherche ou en attente. Il est plus indispensable encore qu’une communication efficace sur base d’études sociologiques et une animation soignée sur base psychosociale.
Alors quelques questions d’aujourd’hui pour notre Eglise assez attiédie et nos contemporains en attente.
- Quel Dieu ? Créateur ? Proche ou lointain ? Paternaliste ? Juge ? Interventionniste ?
- L’invisible, l’éternité, la transcendance ? Des illusions ? Une espérance ? Une assurance ?
- Le Mal et les maux ? D’où, pourquoi ? Offense, souffrance, pardon ?
- Spiritualité ? Enracinée ou flottante ?
Je ne parle pas de christologie ni d’ecclésiologie ni de toutes les questions certes intéressantes qui relèvent de ces domaines, je propose de concentrer nos efforts sur les questions exprimées ou non, conscientes ou non, de ceux au milieu des quels nous vivons.
La théologie concerne le tout de la vie. Ses divers éléments (ou disciplines) sont innombrables. Sans rien négliger, je pense que la théologie devrait se recentrer sur l’être même de Dieu.
Bien sûr tout cela sur la base d’un travail biblique qui mette en valeur les questions et la diversité des Ecritures afin d’aiguiser la curiosité et l’intérêt de tous, déminant les faux scandales de la lecture biblique et mettant en valeur le vrai scandale salvateur de l’Evangile.
Quelques moyens possibles :
- Un colloque universitaire sur l’état de la théologie.
- Des états généraux très ouverts déterminant quels sont les débats théologiques les plus urgents.
- Un projet éditorial en vue d’une collection dédiée aux débats théologiques.
- Un label « tous théologiens ».
- Un site dédié aux débats théologiques.
- Un synode sur foi et théologie.
Olivier Pigeaud, Le Fleix, le 7 décembre 2017
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