Le rapport Sauvé est un choc pour les catholiques. C’est également un choc pour les non catholiques. En tant que concerné par l’évangile, on ne peut pas ne pas se sentir impliqué. L’ampleur des révélations de ce rapport touche l’église catholique en son cœur mais comment l’Évangile lui-même pourrait-il ne pas être atteint ? Comment expliquer l’hypocrisie ? Comment justifier la distorsion entre la parole et les actes ? Le lien entre évangile et perversion serait-il inéluctable ? Beaucoup aujourd’hui se retrouvent autour de ces interrogations et leurs réactions vont légitimement de l’incompréhension au dégoût, de la souffrance à la révolte.
Face à l’ampleur de ce choc, la hiérarchie catholique apporte, à ce jour, une réponse compassionnelle. On compatit pour les victimes. On appelle à la prière. On fait appel à l’humilité. La compassion ne suffit pas ! La réponse compassionnelle n’est pas à la hauteur de la situation. La mesure est sans aucun doute celle d’une révolution. Quand une institution permet de façon structurelle et systémique un développement aussi massif de la perversion et du crime, c’est une institution qui, définitivement, est à révolutionner et à évangéliser. Avec le rapport Sauvé, on ne peut pas déduire qu’il y ait eu une intention criminelle qui soit imputable à l’institution. Dont acte. Il reste que l’institution se trouve, après ce rapport, face à la responsabilité d’une révolution profonde. Tous ceux qui sont attachés à l’évangile l’attendent. Le temps où l’évêque est tout à la fois juge, administrateur de peines, le père qui pardonne et au bout du compte celui qui incarne et défend une institution, n’est plus compatible avec les exigences de transparence qui sont aujourd’hui les seules conditions d’un fonctionnement institutionnel clair et éthique. C’est le cœur du cœur de la structure qui est à revoir !
À la question institutionnelle vient s’ajouter un questionnement théologique. La théologie de la famille sur laquelle l’église catholique a construit son identité dans son rapport à la société, ne serait-elle pas, elle aussi, une source pour expliquer et peut-être favoriser la confusion dans les comportements ? L’église est une véritable matrice pour la famille. Sa structure et ses valeurs sont des modèles à partir desquels toute famille peut et doit se construire. L’église est la boussole de la famille et on vit en église comme on vit en famille, avec la part de lumière et de vie propre à la famille mais aussi avec la part d’ombre et de mort que l’on trouve parfois dans la famille. D’où ce questionnement : la théologie de la famille de l’église catholique n’aurait-elle pas permis de nourrir théologiquement une certaine forme de confusion éthique ?
Alain Rey
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