De « schismatiques, hérétiques et païens » à « disciples transformés » : l’évolution de « l’autre » chrétien dans l’histoire.
Gilles Vidal a exercé, comme pasteur, à Saint-Chamond puis à Toulouse. Comme enseignant, il occupe, depuis 2011, la chaire d’Histoire du christianisme à l’époque contemporaine à la Faculté de théologie de Montpellier où il exerce également les fonctions de doyen. Ses recherches portent sur l’histoire du christianisme dans le Pacifique Sud depuis le XVIIIème siècle jusqu’à nos jours, sur le croisement entre histoire, anthropologie et missiologie, sur la Faculté de théologie de Montauban de 1808 à 1919. Il dirige par ailleurs le Centre de missiologie Maurice Leenhardt.
Lors de son intervention de Sète, il s’est attaché à montrer comment, dans l’histoire œcuménique, la figure de l’autre a évolué en passant progressivement de celle de « païen », « hérétique », « schismatique » à celle de « frère séparé » ou « frère en voie de guérison » avec Vatican II et désormais à celle de « co-disciple transformé et transformateur ».
Hérétiques et anathèmes
Il précise bien qu’il n’est pas un « œcuméniste » mais son propos est riche et documenté. Il propose un parcours en sept étapes à travers lequel il montre que l’esprit de rejet et de condamnation n’a épargné aucune famille confessionnelle. Au XVIIème siècle, la stratégie du pape Grégoire XV, en créant la Propaganda fide est clairement celle de lutter contre les « hérétiques protestants » et les « schismatiques orthodoxes » et « de remettre la foi là où elle est perdue ». Dans la famille protestante, et jusqu’à la Concorde de Leuenberg, on a joyeusement procédé par anathème et on n’a pas hésité à qualifier l’autre différent dans la foi, d’« hérétique » (Castellion : Le traité des hérétiques).
Du conflit à la communion
Le chemin fut long et douloureux jusqu’à la reconnaissance de l’autre. C’est le 500ème anniversaire de la Réforme qui a permis une avancée significative avec notamment la production d’un texte œcuménique particulièrement important : « Du conflit à la communion ». Dans ce texte, catholiques et protestants écrivent ensemble l’histoire de la Réforme luthérienne ainsi que celle de la réaction catholique qui s’en est suivie, dans l’objectif explicite d’un processus de guérison des mémoires. Il s’agit, avec ce texte, de se situer dans la perspective d’une foi commune, d’être disciple avec l’autre, de se reconnaître dans le même lien avec le Christ au sein d’une communauté inclusive.
Gilles Vidal souligne en conclusion l’énorme progrès « moral » que représente ce parcours qui va de l’hérétique au co-disciple mais en même temps il interroge, à juste titre, le risque qu’il y aurait à se retrouver dans une unité « à bon marché » si cette unité devait conduire à l’économie d’une réflexion théologique critique sur nos ecclésiologies.
Alain Rey
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