Les pastorales Nationale

Quelle espérance pour aujourd’hui ? par Éric Trocmé

Du 8 au 10 octobre, 150 membres de l’Amicale des pasteurs français à la retraite se sont retrouvés à Sète autour de la question : Face aux défis anthropologiques de notre société, quelle espérance pour l’humain ?

Au commencement était le chant. Accompagné par le pasteur Pierre Almeras et son épouse Cécile, il a offert les temps de recueillement nécessaires pour louer le Seigneur, se tenir devant lui, s’ouvrir à l’universel, signifier la communion, exprimer la joie, prendre du recul. Car la question posée était loin d’être simple. D’emblée, Alain Rey en précisait les enjeux : « Des mutations considérables touchent tous les domaines, en quoi cela modifie-t-il notre relation aux autres, à nous-mêmes et à Dieu ? » Et l’objectif : « En tant que séniors attachés à l’utopie du Royaume, quelles ressources pour porter l’espérance ? »

Se reconnaître dans sa finitude 

Jusque dans les années 1950-60, explique le premier intervenant, le politologue Olivier Roy, les valeurs chrétiennes sécularisées se retrouvent dans le code civil, la vision de la famille est partagée. Tout change aux alentours de 1968 : le pape constate qu’avec l’apparition de la pilule, de l’IVG, apparaît une révolution anthropologique qu’il va condamner comme culture païenne et culture de mort, ses successeurs également. Faut-il alors, s’interroge le politologue, continuer à défendre une anthropologie chrétienne qui en fait correspond à un modèle de famille chrétienne créé au 16ème siècle ou retrouver des valeurs communes au sein d’une société en baisse de pratique religieuse constante, mais en attente de sens ? Cela ne se fera, insiste-t-il, que si l’on n’est « ni dogmatique ni normatif ».

Professeure de Nouveau Testament à l’Institut protestant de théologie de Montpellier, Céline Rohmer déclare d’emblée : « La Bible ne propose comme seul repère que l’événement Christ crucifié-ressuscité. Elle promeut ainsi une rencontre, un chemin, des sources à explorer, une anthropologie ouverte.» Pour illustrer son propos, elle s’appuie sur le parcours de Pierre dans l’évangile selon Matthieu, un cheminement existentiel appelé à s’accepter dans la fragilité. « A nous d’habiter de la manière la plus reconnaissante cette finitude ! »

Être attentif aux plus fragiles

Didier Sicard, professeur de médecine, président d’honneur du Comité Consultatif National d’Ethique, lui succède et fait part de ses inquiétudes : en 50 ans, le sens de l’existence s’est lié à la science médicale, à une sorte d’orgueil que confère la biologie. « Comment, demande-t-il,  apporter une vision critique, universelle, à cette fascination de l’humain pour la biotechnologie ? ».  Tout en réaffirmant ses méfiances à l’égard du politique tenté d’instrumentaliser la bioéthique, « plutôt que de le conforter, il s’agit au contraire de le mettre dans l’embarras », il souligne l’importance « de la dignité que l’on accorde à autrui, de l’attention portée aux déshérités, aux plus fragiles, aux autres que soi-même.»

Dernier intervenant, Guilhen Antier, professeur de théologie systématique à l’Institut protestant de Montpellier a transformé la question à ses yeux vide de sens Quel avenir pour nos enfants ?  en un provocant Quels enfants pour notre avenir ? « Le christianisme, lance-t-il, est dans la pleine confusion lorsqu’il se remet à parler de la dimension eschatologique de la foi. Il le fait avec culpabilité, confond sauvegarde et salut et n’est pas au clair sur ce qu’il demande lorsqu’il prie : « que ton règne vienne ». Insistant sur le fait que la jeunesse n’a pas d’âge – Abraham et Sarah continuaient à désirer, à espérer, à faire confiance à l’engagement de Dieu – il interroge : « Comment prendre en charge l’incertitude de l’avenir pour y faire face en tant que sujets ? Comment transmettre de quoi prendre en charge ce courage d’être ?

Une réussite 

Au commencement était le chant et à la fin fut le merci. Unanime. Pour la qualité des apports, les pistes soulevées, pour l’organisation, le comptoir de librairie. Le comédien Pierre-Philippe Devaux offrit Jésus, la « Bio interdite », un spectacle au cours duquel il fit varier les rythmes, les gestes et les tons pour mettre en scène une bonne douzaine d’histoires bibliques et interpréter près d’une vingtaine de personnages. La présence du Secrétaire général de l’EPUdF, Didier Crouzet, celles de Frédérique Hebding et de Jean-Daniel Roque représentant la Fondation pour les Ministres montraient l’attention que porte l’Eglise à l’ensemble de ses ministres. Emmanuelle Seyboldt, présidente du Conseil national, renouvela l’approche des textes sur la guérison de Naaman et celle des 10 lépreux  pour les ouvrir à une dimension d’Eglise ouverte. Par dessus tout, ces trois jours furent émouvants : entre retrouvailles après parfois bien des années, plaisir de croiser à nouveau des collègues certes un peu plus âgés désormais, mais toujours aussi pétillants, rencontres inédites, la fraternité était sensible. Rendez-vous dans trois ans. 

Eric Trocmé

Pasteur EPUdF retraité

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