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Lettre de la CEC à la Présidente de la Commission européenne sur la politique d’asile et de migration

Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne
M. Charles Michel, président du Conseil européen

M. David Sassoli, président du Parlement européen

 

Bruxelles, le 6 décembre 2019

 

Politique européenne d’asile et de migration : faire preuve de solidarité, partager la responsabilité, faire montre de leadership

Nous tenons à vous féliciter pour vos nominations respectives et à vous assurer que nous prierons pour vous et vos collègues.  

Nos organisations représentent des Églises à travers l’Europe – principalement anglicanes, orthodoxes, protestantes et d’institution africaine – ainsi que des organisations chrétiennes s’occupant notamment des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile. Nous tenons profondément à la dignité inviolable de chaque être humain créé à l’image de Dieu et nous sommes profondément attachés aux concepts de bien commun, de solidarité mondiale et de société accueillant les étrangers.

C’est dans ce contexte que nous nous adressons à vous aujourd’hui sur la question d’une politique européenne d’asile et de migration globale, axée sur la protection et les droits de l’homme. Nous nous félicitons du « nouveau départ » suggéré par la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, alors que bon nombre des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants les plus vulnérables voient leur situation s’aggraver toujours plus, tant au sein de l’UE qu’à ses frontières extérieures. Nous appelons à faire preuve de solidarité, à partager les responsabilités et à faire montre de leadership courageux.

Notamment, nous demandons aux institutions de l’UE de remplir leur rôle en vue de :

  • Encourager un dispositif complet et juridiquement solide, de préférence à long terme, pour les opérations de recherche et de sauvetage à la frontière sud de l’UE. Cela devrait comprendre soit la recherche et le sauvetage dirigés par l’État et soutenus par l’UE soit le soutien aux activités de la société civile. En outre, il est urgent de clarifier la législation de l’UE afin que la recherche et le sauvetage par la société civile, comme toute autre assistance humanitaire aux réfugiés et aux migrants, soient dépénalisés. 
  • Adopter un système de réinstallation des personnes secourues en mer ainsi que des personnes arrivant dans les États membres aux frontières extérieures de l’UE. Tandis que l’Italie et Malte ont clairement besoin d’aide en matière de recherche et de sauvetage, la Grèce et Chypre nécessitent davantage de soutien pour faire face à la récente augmentation des arrivées qui exacerbe la surpopulation des zones sensibles (en Grèce) et le nombre élevé de personnes bénéficiant de la protection internationale (à Chypre). Nous attendons de tous les pays qu’ils assument leur rôle, mais nous reconnaissons les défis auxquels ces pays en particulier sont confrontés en tant qu’États situés aux frontières extérieures de l’UE. Comme les dirigeants d’Églises européennes l’ont formulé dans leurs vœux de Noël de 2018 : « La solidarité devrait être l’élément phare dans la gouvernance des migrations et en particulier concernant l’accueil des réfugiés. La solidarité signifie que les épaules les plus solides acceptent davantage de responsabilités que les plus faibles, mais également que chacun contribue selon ses possibilités. » En ce sens, les efforts nationaux et le soutien européen doivent aller de pair.
  • Développer un système européen d’évacuation des réfugiés et des migrants bloqués en Libye dans des conditions où leurs droits humains sont bafoués. Ce système devrait s’inspirer des couloirs humanitaires gérés au niveau national et s’attacher à apporter des solutions pour 50 000 personnes au moins actuellement enregistrées et relevant de la compétence du HCR.
  • Renforcer l’engagement de l’UE en faveur de la réinstallation dans le contexte du partage des responsabilités à l’échelle mondiale en offrant davantage de places. L’objectif de 30 000 places annuelles proposé par une coalition d’organisations de la société civile est un objectif adéquat pour 2020. Celui-ci devrait être fixé lors du Forum mondial sur les réfugiés en décembre 2019.
  • Faire progresser la réforme du système dysfonctionnel de l’actuel règlement de Dublin. Un modèle de redistribution obligatoire axé sur les préférences et les liens devrait constituer la base d’une telle réforme.
  • Créer des routes migratoires légales : sans des routes migratoires sûres et légales vers l’Europe et sans une politique en matière de migration et de réfugiés fondée sur les droits de l’homme, les gens continueront à emprunter des routes dangereuses et à risquer leur vie pour gagner l’Europe. Afin de créer des voies sûres et ordinaires pour les personnes nécessitant une protection internationale et pour les migrants à tous niveaux de compétences, il convient de délivrer des visas humanitaires, de favoriser un regroupement familial rapide, d’étendre les programmes de réinstallation et de conclure des accords relatifs à la migration des travailleurs et aux visas d’étudiants avec des pays tiers.
  • Veiller à ce que les actions et le financement de l’UE soient guidés par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce qui concerne la dimension extérieure. Tous les États membres de l’UE sont parties à la Convention européenne des droits de l’homme et à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et ne doivent conclure aucun accord avec des États ne garantissant pas le plein respect des droits de l’homme. Le principe de non-refoulement doit toujours être respecté en tant que principe contraignant. 

Nous sommes conscients que ces demandes peuvent sembler difficiles en raison du discours actuel au niveau de l’UE, qui se concentre souvent sur la protection des frontières plutôt que sur la protection des personnes vulnérables et sur le retour plutôt que sur l’accueil.

Il est clair, cependant, que toutes les demandes prises ensemble, y compris le nombre d’arrivées « spontanées » dans les systèmes d’asile des États membres de l’UE, représentent une tâche entièrement réalisable pour une communauté de 446 millions d’habitants (suite au Brexit) dans l’une des régions les plus riches du monde.

Nous apprécions les efforts de l’UE et de ses États membres visant à accélérer les procédures d’asile, cependant, lorsque ceux-ci réduisent l’accès à une assistance juridique, aux recours en révision ou entraînent l’exclusion de la procédure, ils portent atteinte au droit d’asile et devraient être rejetés.

Il apparaît évident également qu’une politique de solidarité doit être étayée par une solide politique d’intégration, d’inclusion et de lutte contre la discrimination.

La demande que nous vous adressons est de faire montre de leadership dans la lutte contre les mythes et les états d’âme de l’UE en matière de migration et en apportant des preuves au débat. La pratique répandue consistant à présenter la migration comme un problème insoluble – l’Europe étant le lieu de la crise – et la promesse d’être « durs » en matière de migration constituent des efforts inutiles pour répondre aux peurs de la société. 

La migration est et restera une caractéristique de la vie en Europe dans un nombre croissant d’États membres et peut, si elle est bien organisée, contribuer à la richesse et à l’harmonie sociale au sein de l’UE. Cela nécessite cependant des politiques visant à la cohésion et à l’inclusion générales dans la société, afin que les citoyens et les nouveaux arrivants n’aient pas à craindre des défis insurmontables dans des domaines tels que l’emploi, le logement ou l’accès aux services sociaux.

Les Églises à travers l’Europe ont depuis des décennies, et en particulier depuis 2015, contribué massivement à établir une structure et une culture d’accueil. Nous allons poursuivre notre action. Nous sommes également prêts à soutenir ceux qui défendent les valeurs et les pratiques chrétiennes en aimant leur prochain.

« En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Matthieu 25,40

 

Pasteur Christian Krieger, Président de la Conférence des Églises européennes

M. Torsten Moritz, Secrétaire général de la Commission des Églises auprès des migrant en Europe

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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