Éthique Théologie

Le transhumanisme, la gnose de notre temps

A la fin de la conquête romaine, le bassin méditerranéen est une sorte de « melting- pot » où se croisent et s’enrichissent tous les courants de pensées philosophiques et religieux de l’époque. Zoroastrisme oriental, culte d’Isis et d’Osiris, cultes solaires, philosophies grecques etc… De ces rencontres sort la gnose qui prend racine au 1er siècle et s’étend au 2ème siècle avec des systèmes complexes telles les gnoses de Basilide ou de Valentin. Systèmes spéculatifs et ésotériques qui véhiculent des savoirs (d’où le terme de Gnose) permettant aux âmes captives de la matière de se libérer et d’accéder à l’immortalité dans un monde cosmique rétabli dans sa pureté d’origine. Les Actes des apôtres et les lettres aux sept Eglises de l’Apocalypse relèvent d’hérésies qui sont probablement des gnoses. Mais c’est surtout au 2ème siècle que les théologiens chrétiens comme Tertullien ou Irénée de Lyon vont dénoncer les gnoses comme illusoires et dangereuses.

En fait la sotériologie que propose la gnose répond à la question essentielle de la mort. En effet, si la paix romaine à l’intérieur des limites de l’Empire est effective, en revanche la guerre avec toutes ses violences n’a jamais cessée aux frontières de l’Empire, du mur d’Hadrien en Ecosse jusqu’au Tigre et l’Euphrate en Orient, exposant quotidiennement le légionnaire à la mort. La société romaine est d’une violence rare comme en témoignent, du reste, les jeux du cirque. Comme toujours la pensée de la mort est tapie au fond de notre conscience quand elle ne s’étale pas comme une évidence. L’être humain marqué par cette finitude a répondu de tout temps par la religion, la philosophie ou des spéculations plus ou moins hasardeuse dont fait partie la gnose. L’homme cherche son salut et un sens à sa vie. Pierre philosophale, Cathare au Moyen-Age, Théosophie, New âge, tout ceci montre cette recherche du salut par les œuvres que sont la connaissance, la pureté de la vie etc…. qui permettent d’échapper aux contingences et au tragique de la vie.

Avec l’allongement de la durée de vie, promis bien au-delà des limites biologiques voire des promesses d’immortalité : cryogénisation, « uploading » par exemple, le
« Transhumanisme » offre une sotériologie dont l’espérance se fonde sur les techniques de la NBIC (Nanotechnologie, Biotechnologie, Intelligence artificielle, sciences Cognitive) et sur la robotique. On a une apparence de raisonnable, bien que malgré les millions de dollars engagés, on soit encore loin des résultats rêvés !

Une vérité est partagée par tous : la technoscience résoudra tous les problèmes ! C’est une confiance totale ou une sorte de dieu-science. Là aussi il est souvent difficile de démêler les fils qui nouent rêve, « réalité » virtuelle et réalité.

Des gourous orchestrent ce courant de pensée : Raymond Kurzweil (USA), Aubrey de Grey (Grande Bretagne), Nick Bostrom (Suède), Eric Drexler (USA), Natasha Vita-More (USA) et Dmitry Itskov (Russie) etc…. Conférences, publications, universités, comme celle de la singularité fondée par Kurzweil dans la Silicone Valley, permettent de « relier » les courants, les partenaires, les penseurs du « Transhumanisme » et de pénétrer peu à peu la société, comme par exemple les grandes universités américaines où ont été créé des départements portant sur l’étude du « Transhumanisme ».

Cette religion scientiste est athée mais non dénuée d’une certaine spiritualité teintée d’influence extrême orientale. Les contingences sont soulignées et le corps doit être le serviteur malléable, améliorable de l’esprit que l’on cherche à immortaliser et à transplanter sur un ordinateur (uploading). On retrouve certains aspects du bouddhisme Zen ce qui explique que le Dalaï-Lama soutienne ce mouvement.

Pourtant, quand l’homme aspire à la toute-puissance de la connaissance et à l’immortalité, se pose la question de l’orgueil. La Bible souligne le problème : Adam et Eve ratent la cible, se trompent et s’éloignent de Dieu. Seule la grâce et l’espérance de la résurrection répondent à la question posée. L’amour de Dieu est premier dans le christianisme et se trouve absent dans le projet de l’homme chosifié du
« Transhumanisme ». L’histoire aussi nous montre que lorsque l’homme se prend pour Dieu, jusqu’à pouvoir créer une nouvelle humanité : l’homme augmenté, éternel, surpuissant, connecté, on court à la catastrophe. Le surhomme a généré bien des souffrances et l’orgueil est dangereux comme en témoigne toute forme de dictature dans l’histoire.

La gnose transhumaniste au final n’a qu’un seul intérêt, c’est de poser la question de la mort. Il nous importe d’y répondre et d’opposer à la pensée transhumaniste la dignité humaine faite de liberté, de conscience, de sensibilité, d’amour et de confiance en Dieu. Que l’homme soit réparé grâce aux technosciences, soit, mais l’homme augmenté que prône la gnose transhumaniste est une porte ouverte à tous les dangers.

Vincens Hubac

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